Santé au travail : jusqu’où ne pas trop accompagner?

 Gilbert Garcin, Connaître ses limites

Le milieu professionnel mène depuis plusieurs décennies des actions de prévention en santé au travail. Dans la foulée de la définition qu’en donne l’OMS, avec le développement de la Qualité de vie au travail et de la Responsabilité sociale des entreprises, la santé dépasse le constat d’absence de maladie. Elle parle du bien-être global.

Comment les entreprises s’emparent-elles du sujet et avec quelle intention ? Les actions de prévention se multiplient. Elles sont impactées par la montée en puissance du numérique, des objets connectés et autres « compagnons de santé ». Qu’en est-il de la survenue de la maladie grave ? Comment passer d’une logique de prévention collective à une prise en compte de la singularité ?

Les organisations professionnelles sont régulièrement critiquées pour leur manque d’humanité. Elles ne réagiraient pas comme il faut, comme attendu par les employés. Elles seraient quasi indifférentes face aux situations de fragilité. Pour autant, nous rencontrons dans nos interventions en entreprises autour de la santé et particulièrement du cancer et du suicide, des élans de compassion, de bonnes intentions et des réponses qui nous semblent excessifs.

Ces situations, trop accompagnées, déresponsabilisent la personne concernée, la privent d’une partie de son autonomie et de ses capacités de re-création d’elle-même. Elles répondent davantage au besoin de reconnaissance ou de pouvoir de celui ou celle qui les mène.

Pour approcher le juste équilibre, nous proposons une éthique de l’attention comme vertu cardinale de la relation. Une qualité d’être, une présence à l’Autre qui redonne du souffle au temps présent et limite les risques de réactions comme réponses urgentes face à aux désordres de la maladie, à ses impacts sur le milieu professionnel. Ainsi, la santé en entreprise est-elle abordée de façon collective et utilitariste quand la vigilance à la situation singulière requiert davantage une éthique des vertus. Entre les sujets au sens de maladie et de personne, le travail doit (re)trouver sa place, lui qui est l’objet du contrat entre l’organisation et l’employé.